Reprise illicite d’un logement : l’atteinte à la vie privée constitue un préjudice
Cass. Civ III : 6.7.17
N° 16-15752
L’article 1382 du Code civil (devenu l’article 1240) prévoit que "tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer". Ce principe de responsabilité extracontractuelle trouve une illustration dans le cas de l’intervention d’un huissier lors de la reprise d’un logement.
En l’espèce, un huissier avait procédé à la saisie conservatoire des meubles garnissant une habitation louée en l’absence du locataire. Constatant que ce dernier avait déjà quitté le logement, l’huissier avait adressé quelques jours plus tard un procès-verbal de reprise des lieux et fait changer les serrures sans avoir délivré de mise en demeure préalable et obtenu de décision de justice constatant la résiliation du bail.
Le locataire l’avait alors assigné en responsabilité pour reprise illicite du logement. La Cour d’appel avait alors rejeté ses demandes au motif qu’il ne rapportait pas la preuve que cette reprise lui avait causé un dommage matériel ou moral et par voie de conséquence un préjudice ouvrant droit à indemnisation.
Pour mémoire, la reprise des lieux en cas d’abandon d’un logement obéit à un formalisme prévu à l’article 14-1 de la loi du 6 juillet 1989. Ainsi, lorsque des éléments laissent supposer que le logement est abandonné par ses occupants, le bailleur met en demeure le locataire de justifier qu'il occupe le logement. S'il n'a pas été donné suite à cette mise en demeure un mois après signification, l'huissier de justice peut procéder à la constatation de l'état d'abandon du logement. Le juge peut ensuite constater la résiliation du bail. En l’espèce, l’huissier avait directement dressé un procès-verbal de reprise des lieux sans que le juge ait acté la résiliation du bail.
En rappelant que "la violation de domicile constitue une atteinte au respect de la vie privée" et que "l’expulsion illégale par voie de fait constitutive d’une violation de domicile cause nécessairement un préjudice qui doit être réparé", la Cour de cassation considère que le droit à réparation existe même si le départ du locataire est volontaire et qu’il dispose d’un nouveau logement.